Le tapis des orphelines arméniennes : un témoignage d'histoire et de gratitude
Sommaire :
Introduction : Un héritage tissé dans la mémoire collective
Le tapis des orphelines arméniennes, également connu sous le nom de tapis des orphelines de Ghazir, est un ouvrage d’art arménien réalisé par des orphelines rescapées du génocide arménien à Ghazir, au Liban. Fruit de dix-huit mois de travail, ce tapis fut offert en 1925 au président américain Calvin Coolidge en signe de reconnaissance. Il fut rendu par la famille Coolidge à la Maison Blanche en 1982 et exposé publiquement pour la dernière fois en novembre 2014 au Centre des visiteurs de la Maison Blanche, dans le cadre de l’exposition intitulée Merci aux États-Unis : trois cadeaux aux présidents en gratitude pour la générosité américaine à l’étranger.
Histoire : Une œuvre née d’une tragédie humaine
À la suite du génocide arménien, des milliers d’orphelins et de réfugiés furent relocalisés au Moyen-Orient, notamment dans des orphelinats soutenus par l’organisation américaine Near East Relief. Dans les années 1920, un orphelinat de Ghazir, au Liban, accueillit plusieurs centaines de jeunes filles. Pour exprimer leur gratitude envers Near East Relief, quatre cents d’entre elles tissèrent un tapis pendant dix-huit mois.
Ce tapis, mesurant 3,53 mètres sur 5,61 mètres et comprenant plus de quatre millions de nœuds faits à la main, fut officiellement présenté au président Calvin Coolidge le 4 décembre 1925. Une étiquette au dos portait l’inscription In Golden Rule Gratitude to Coolidge (En gratitude selon la règle d’or, pour Coolidge), en référence à une campagne annuelle où les Américains étaient invités à économiser sur un repas et à faire don des fonds économisés à Near East Relief.
Le tapis fut exposé dans la salle bleue de la Maison Blanche durant le mandat de Coolidge. Après son départ de la présidence en 1929, le tapis fut transféré dans sa résidence privée à Northampton, dans le Massachusetts, où il resta jusqu’à la mort de Coolidge en 1933. Sa veuve conserva le tapis dans sa demeure jusqu’à son propre décès en 1957, après quoi il fut remis à la Maison Blanche en 1982. Cependant, il ne fut pas exposé au public pendant de nombreuses années.
Design : Une œuvre au symbolisme riche
Le tapis des orphelines arméniennes arbore un design raffiné, comprenant des représentations d’animaux tels que des lions, des licornes, des aigles et des oiseaux. Certains motifs pourraient évoquer des scènes bibliques, notamment l’histoire d’Adam et Ève. Au centre, un médaillon complexe ajoute à son esthétique unique, reflétant l’héritage culturel et artistique arménien.
Expositions et controverses
Le tapis fut brièvement sorti des réserves en 1984 et en 1995, mais sans être présenté publiquement. En 1995, il fut montré à Vartoohi Galezian, l’une des tisserandes originales, et à sa famille.
En 2013, un projet d’exposition au Smithsonian Institution fut proposé par Paul Michael Taylor, directeur du programme d’histoire culturelle asiatique. L’événement devait inclure le lancement d’un livre dédié au tapis et à son histoire. Malgré un soutien politique bipartite, la Maison Blanche refusa de prêter le tapis, suscitant des controverses. Certains observateurs attribuèrent cette décision à la crainte de réactions négatives de la Turquie, compte tenu de la sensibilité du sujet du génocide arménien.
En novembre 2014, le tapis fut finalement exposé au Centre des visiteurs de la Maison Blanche dans le cadre d’une exposition temporaire présentant des cadeaux offerts à des présidents américains en remerciement de l’aide apportée par les États-Unis lors de crises internationales. Cependant, l’exposition fut critiquée pour avoir omis de mentionner explicitement le génocide arménien et les circonstances tragiques à l’origine de la réalisation du tapis.
Le président américain Calvin Coolidge (à gauche) recevant le tapis des mains de John H. Finley en tant que cadeau des orphelines arméniennes.
Héritage et reconnaissance
Le tapis des orphelines arméniennes est bien plus qu’un simple objet d’art. Il symbolise le courage et la résilience des orphelines arméniennes, tout en incarnant les liens historiques entre le peuple arménien et les États-Unis.
Le président Coolidge décrivit le tapis comme "un symbole quotidien de bonne volonté sur terre", tandis que plusieurs membres du Congrès, tels qu’Adam Schiff, y virent un rappel tangible des atrocités commises contre le peuple arménien. À travers son exposition, bien que tardive, le tapis reste un puissant témoignage des liens entre mémoire, art et histoire.